Pétrole Hahn, Trésor des cheveux
Affiche publicitaire - Vers 1910
7Fi/3346

Dans les fonds des Archives de Lyon est conservée une affiche publicitaire pour un célèbre produit capillaire : « Pétrole Hahn, Trésor des cheveux ». Pour quelle raison ? Nous sommes loin des dossiers de l’Administration municipale et de ses compétences réglementaires… Serait-ce donc une histoire lyonnaise ?
Il y a 120 ans étaient déposés au tribunal de commerce de Lyon le nom et l’étiquette « Pétrole Hahn pour les cheveux ».
Mais l’histoire commence quelques années plus tôt à Genève (Suisse)…
1885 - Charles Hahn, pharmacien genevois, invente une lotion capillaire : le « Pétrole pour les cheveux » (1).
C’est au milieu des années 1880 que Charles Hahn, en lisant la presse médicale, découvre que « le personnel manœuvre, employé aux pétroles de la région de l’Arkansas, traitait ses plaies cutanées par des applications de pétrole qui avait pour but de stériliser les germes infectieux. Le mémoire signalait en même temps que le système pileux de ces victimes avait tendance à augmenter d’importance » (2). Charles Hahn était à la fois habitué à préparer des potions pour ses clients et informé des vertus médicinales du pétrole connues depuis l’Antiquité. Il ne lui en fallait donc pas davantage pour mettre au point une composition faite de pétrole et d’huiles essentielles destinée à « fortifier le cuir chevelu et rendre les cheveux souples, soyeux et abondants ». C’est ainsi que naît le « Pétrole pour les cheveux », conditionné dans un flacon carré. Son étiquette précise qu'il s'agit d'un "Nouveau remède d'une grande efficacité contre la chute des cheveux et les pellicules et pour nettoyer la tête".
1896 - François Vibert, droguiste lyonnais, dépose la marque « Pétrole Hahn pour les cheveux ».
Quelques années après son invention, son succès dépassant le cadre genevois, la lotion « Pétrole Hahn » arrive dans la droguerie lyonnaise de François Vibert, 7 quai de la Guillotière (quai Victor Augagneur depuis 1932). Né à Lyon le 25 janvier 1848 (3) et herboriste de son état, François Vibert avait obtenu en 1866 la médaille de bronze de chimie industrielle.
Vibert rencontre Hahn en 1892. Le 6 juin 1893, il signe un contrat l’obligeant à vendre 6000 flacons de produit avant de connaître la « formule secrète » et de pouvoir le fabriquer lui-même. C’est alors qu’il commence à mettre en place une organisation commerciale et publicitaire efficace pour atteindre son objectif. La plus ancienne publicité de presse connue pour le « Pétrole Hahn » paraît le 7 octobre 1894 dans le journal lyonnais Le Passe-temps et le parterre (4).
Moins de 2 ans plus tard, Vibert a rempli son contrat et réussi à vendre les 6000 flacons. Il peut enfin prendre possession de la fameuse formule de fabrication. Le 26 juillet 1896, il dépose la marque « Pétrole Hahn pour les cheveux ». La lotion est désormais fabriquée en France, à Lyon, 103 avenue des Ponts (avenue Berthelot depuis 1907).
En 1899, François Vibert s’installe 47 avenue des Ponts. En commerçant avisé et pour promouvoir davantage encore le Pétrole Hahn, il fait réaliser cette année-là la 1ère affiche présentant la lotion (5).
Au tournant du siècle, les Etablissements Vibert sont en plein essor et déménagent une nouvelle fois : en 1905, le siège s’installe 89 avenue des Ponts, à deux pas de l’usine, rue Camille Roy. (6)
1918 - L’entrée dans le XXe siècle
Françoise Vibert meurt brusquement en 1912 (7) au domicile conjugal 15 boulevard du Nord (8) (boulevard des Belges depuis 1914). Prévoyant, il avait confié la direction de l’entreprise à son fils adoptif Robert Laurent-Vibert qui prend la relève en 1918. Clairvoyant, celui-ci crée un modèle social avant l’heure en accordant à ses salariés des congés payés et des allocations familiales. Les Ets Vibert lui doivent également leur statut de société anonyme en 1928.
La lotion Pétrole Hahn est alors vendue dans le monde entier. Tous les supports sont utilisés pour la promouvoir : publicités dans de nombreuses langues, affiches, enseignes lumineuses, images à découper et à monter, buvards, bandes dessinées, objets publicitaires, sponsoring sportif (les joueurs de l’ASVEL ont porté les couleurs de Pétrole Hahn dans les années soixante)…
Dans les Données générales sur la composition et l’action du Pétrole Hahn rédigées par les Ets Vibert en 1961 (9) (inutile d’y chercher la formule secrète, elle ne s’y trouve pas…), le mode d’emploi du Pétrole Hahn est précis : « Appliqué sur le cuir chevelu, suivi d’un massage-pétrissage avec écrasement énergique sur la paroi osseuse, il en assure la propreté et la santé, source de vie pour le cheveu lui-même ». Les courriers des clients affluent (10) :
Le 6 janvier 1963
« Je me permets de venir vous complimenter pour votre produit pour l’entretien de la chevelure au Pétrole Hahn. Depuis l’âge de 3 ans, tous les jours, je passe les cheveux de ma fille au Pétrole Hahn, elle a 15 ans maintenant et ses cheveux ont 1,20 m de long, ils sont très épais et sa chevelure fait envie à tout le monde grâce au Pétrole Hahn ».
Mme Bardonnet, 2 cours de la République, Roanne, 42
Le 19 juillet 1963
« Je ne vois pas un seul de vos clients qui puisse témoigner comme moi de l’efficacité du Pétrole Hahn. J’ai bientôt 65 ans. Je m’en sers depuis l’âge de 17 ans, sauf pendant 3 ans de service militaire […] ; mais depuis, je suis redevenu fier de ma chevelure encore intacte et ondulée. Si vous avez besoin d’une photo comme preuve, je suis à votre disposition ».
M. Cabanie, 147 rue de Tolbiac, Paris 13e
1979 - La fin de l’indépendance
Dans les années 1960-70, l’usine lyonnaise produit pas moins de 25 000 flacons par jour et les Ets Vibert emploient une centaine de personnes.
En 1972 est diffusée la 1ère publicité à la télévision.
La Société est restée indépendante jusqu’en 1979, date de sa reprise par l’américain Richardson Merrell.
En 1985, la marque est rachetée par Procter & Gamble. En 1988, les locaux industriels lyonnais sont délocalisés à Blois puis en 1991, les services administratifs sont transférés à Neuilly.
Depuis 1998, la marque appartient au groupe Eugène Perma.
A Lyon, le permis de démolir de l’usine rue Camille Roy et le permis de construire d’un immeuble de logements sont déposés en 1991. Les travaux sont achevés en 1997 et le certificat de conformité est délivré en 1998. Pétrole Hahn n’est désormais plus qu’un lointain souvenir.
La Ville de Lyon a souhaité rendre hommage à la famille VIBERT en donnant son nom à une rue du 6e arrondissement. C’est ainsi que le 13 novembre 1940, par délibération de la Délégation spéciale (12), la rue du Parfait-Silence change de dénomination (13) et devient la rue LAURENT-VIBERT, du nom de Robert LAURENT-VIBERT, fils adoptif de François et Joséphine VIBERT. Mais de la délibération à la plaque de rue, le nom a perdu son trait d’union et quelques majuscules, transformant « [Robert] LAURENT-VIBERT » en un certain « Laurent VIBERT » inconnu de tous. De là à imaginer de nouvelles plaques de rue en guise de cadeau d’anniversaire, il n’y a qu’un pas…
- Indicateurs Coste-Labaume et Henry
- Dictionnaire historique de Lyon, consultable en salle de lecture (1C/652198)
- Coupures de presse (3Cp/413)
- Fonds Varille (228II)
- Bordet (D.), Pouffier (M.), Pétrole Hahn, Des cheveux et des hommes, Ed. Somogy, Paris, 1993 (228 II 407)
Pour aller plus loin
- Martin (M.), Histoire de la publicité en France, Ed. Presses universitaires de Paris Ouest, Paris, 2012
- Lopez (E.), Affiches de la publicité, Ed. Citadelles et Mazenod, Paris, 2013
- Ghozland (F.), Cosmétiques. Etre et paraître, Ed. Milan, Toulouse, 1987
- Laferrère (M.), "Le rôle de la chimie dans l’industrialisation de Lyon au XIXe siècle", in Colloques internationaux du CNRS, n° 540, p. 393-399
- Laferrère (M.), "Les industries chimiques de la région lyonnaise", in Revue de géographie de Lyon, 1952, vol. XXVII, n° 3, p. 219-256
- PetroleHahn.com
- Éts Vibert, Données générales sur la composition et l’action du Pétrole Hahn, Lyon, 1961, p. 2 (AML, 228II 374).
- AML 2E 433, acte n°356.
- http://collections.bm-lyon.fr/PER00318162, p. 8
- Prodimarques.com
- AML, 4S, secteur 265, 1919-1980.
- AML, 2E 2476 – acte n°401.
- On peut se représenter la maison familiale au travers du permis de construire n°450/1904 (AML, 314W 235).
- AML, 228II 374.
- Éts Vibert, Comment vivent nos cheveux, Lyon, 1969 (AML, 228II 374)
- Permis de construire n° 347/1991 (AML, 1758W 69)
- AML, 1217WP 199.
- En application d’une circulaire du Préfet du Rhône (Bulletin municipal officiel de la Ville de Lyon, procès-verbal de la séance du 13 novembre 1940).