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Georges Martin-Witkowski

Dessin d'un chef d'orchestre

En 1830, la répression sévère de l’insurrection des Polonais contre le partage de leur pays entre la Russie, l’Autriche et la Prusse par l’armée russe pousse, entre janvier et novembre 1831, dix mille émigrés polonais vers la France, en majorité des diplomates ou militaires, dont l’officier Lucien Witkowski.

Peu avant 1840, après son mariage avec Justine Léveillée, Lucien Witkowski s’installe à Angers et devient professeur de piano. L'une de ses trois enfants, Blanche, se marie en 1862 au capitaine des hussards Jean Martin. De ce mariage naquit en 1867 Georges à Mostaganem (Algérie).

 

Portrait, sd, 12x16, cliché Blanc et Demilly - 1PH/2793
Portrait, sd, 12x16, cliché Blanc et Demilly - 1PH/2793

 

 

À la suite du décès de Jean, Blanche retourne en 1869 à Angers. Georges est élevé surtout par son grand-père Lucien. C’est en souvenir de cette éducation que Lucien demande à Georges de porter son nom.

Blanche quitte Angers et s’installe à Rennes comme professeur de chant. Elle y épouse Eugène Henri, l’organiste de la cathédrale et ami de César Franck et d’Alexandre Guilmant.

Au collège Saint-Vincent-de-Paul, à Rennes, l’élève Georges Martin-Witkowski rencontre pour la première fois Guy Ropartz, comme lui élève d’Eugène Henri.

Après le collège de Rennes, Georges Martin-Witkowski est inscrit au Prytanée militaire de la Flèche. C’est à cette époque que se situe son premier contact avec la direction d’orchestre et la composition.

En 1887, à l’âge de vingt ans, Georges entre à l’école militaire de Saint-Cyr. Il profite de ses dimanches pour se rendre à Paris, à Saint-Sulpice, écouter César Franck. Ce dernier, sous la recommandation du beau-père de Georges, Eugène Henri, l’accueille à sa tribune pendant les offices.

Witkowski passe l’année 1890 à Saumur. Il participe comme à Saint-Cyr à la fête des élèves avec une nouvelle composition Saumuropol, opérette-bouffe en deux actes. De ces cinquante pages de musique, il n’a été publié que la Ronde de la nuit sur un air populaire, l’une des trois œuvres jouées sous la direction de Luigini aux concerts Bellecour en 1891 et 1892.

À la sortie de Saumur, Georges Martin-Witkowski est envoyé en garnison à Lyon. Il y trouve une certaine activité musicale lui permettant de faire jouer ses œuvres.

Après son mariage, le 4 octobre 1892, avec Jehanne Giraud, Georges Martin-Witkowski passe régulièrement ses étés à la Combarrière, maison familiale des Giraud à Paladru. Il traduit son admiration pour Franck en plaçant sur son bureau de Paladru le portrait de l’auteur des Béatitudes.

 


Le compositeur

 

Pendant l’été 1890, Witkowski compose Le Maître à chanter, un petit opéra-comique qui reçoit à Nantes, au théâtre Graslin, un accueil favorable.

 « Il a laissé une œuvre imposante, lourde de science, qui pour l’instant reste dans l’ombre. On la découvrira un jour et l’on aura la révélation d’une maîtrise de l’écriture, d’une profonde richesse lyrique… »
Ennemond Trillat, cahier de souvenirs

Entre 1910 et 1913 sont organisés salle Gaveau, sous le patronage de Camille Saint-Saëns et Vincent d’Indy, plusieurs concerts où le nom de Witkowski côtoie, sans heurt, ceux de Maurice Ravel et Claude Debussy.

En 1911, à la Société nationale, Georges Martin-Witkowski crée avec les musiciens de l’orchestre Lamoureux sa deuxième symphonie, dédiée à Edouard Aynard, qu’il dirige le 13 mai 1911. Ravel et Debussy en saluent la qualité et la profondeur musicale.

On y discerne à tout instant, un musicien profond, vivant, vibrant qui a su accepter sans révolte la discipline et les macérations qui lui furent imposées au nom de je ne sais quels dogmes absurdes.
Maurice Ravel dans S.I.M., 15 février 1912

À partir de 1912, Georges Martin-Witkowski passe à une nouvelle étape de son activité créatrice. Il s’inspire d’une œuvre du poète Louis Mercier pour une composition impressionniste. À l’automne 1919, il reçoit le prix Lasserre pour son Poème de la Maison.

En donnant aujourd’hui le Poème de la maison, la Société des Grands concerts a voulu faire œuvre de décentralisation artistique. Il fallait, en effet, que la première audition de cette œuvre de deux auteurs lyonnais fut réservée à Lyon, où d’ailleurs seize années de labeur ont réalisé des moyens d’exécution qu’on trouverait difficilement réunis à Paris en ce moment.
G.-M. Witkowski, Programme du concert du 26 janvier 1919

Sa carrière de compositeur, solidement établie, s’achève avec sa dernière composition, Le Docteur Ox, qu’il dirige peu de temps avant sa mort.

 

Page de la partition du quintette pour piano et cordes, par Gorges Martin Witkowski, dédié à Vincent d’Indy, 1898 - 214ii/12
Page de la partition du quintette pour piano et cordes, par Gorges Martin Witkowski, dédié à Vincent d’Indy, 1898 - 214ii/12

 

Le chef d’orchestre

 

En 1905, Witkowski fonde la Société des grands concerts de Lyon, orchestre symphonique dont l’Orchestre national de Lyon est l’héritier. Cette société organise des concerts et fait découvrir au public lyonnais les compositeurs contemporains. Dès les premières années de l’orchestre, les avis sur les capacités de Witkowski à diriger sont favorables.

 

Affiche de concert de la Société des grands concerts de Lyon, direction Georges Martin Witkowski, 1936 - 2FI/04666
Affiche de concert de la Société des grands concerts de Lyon, direction Georges Martin Witkowski, 1936 - 2FI/04666

 

En 1924, Il est envoyé à Prague par l’administration des Beaux-Arts pour diriger les œuvres de musiciens contemporains, Florent Schmitt, Arthur Honegger, Igor Stravinsky et Albert Roussel.

Witkowski était un autodidacte de la baguette. Son souffle ardent ne pouvait compenser une absence de formation technique qui d’ailleurs ne s’apprenait pas en France.
Ennemond Trillat, Cahiers de souvenirs.

Si le chef d’orchestre aime ce qu’il dirige […] il le dirige bien… avec tout son cœur […] s’il n’aime pas ce qu’il dirige, inutile de faire quoi que ce soit, tout ce qu’on dira ne fera que rendre l’exécution plus inexpressive.
G. Martin-Witkowski à Florent Schmitt, 23 novembre 1913

 

Le fondateur de la salle Rameau

 

Pour la construction d’une nouvelle salle de concerts, Witkowski exploite un important réseau lyonnais de disponibilités pour le domaine musical. Il propose un projet réunissant la Ville de Lyon, propriétaire d’un terrain près de la place Sathonay, la Compagnie immobilière du premier arrondissement qui construit l’édifice et des souscripteurs.

La dépense est estimée à 500 000 francs nécessitant un emprunt de 300 000 francs, divisé en soixante bons de 5000 francs, remboursable sur soixante années par tirage au sort. Chaque bon donne droit à un fauteuil gratuit à toutes les séances de l’abonnement pendant une durée de soixante années. Parmi les souscripteurs figurent des personnalités connues à Lyon par leur mécénat.

 

Salle Rameau : construction des galeries en ciment armé, 1907 - 938WP/44
Salle Rameau : construction des galeries en ciment armé, 1907 - 938WP/44


Le 19 mai 1907, le Président de la République, Armand Fallières, en visite officielle à Lyon, pose la première pierre de la nouvelle salle. À la fin de l’année 1907, la salle est baptisée Salle Rameau. L’inauguration a lieu le dimanche 8 novembre 1908 par le 3e acte des Fêtes d’Hébé de Jean-Philippe Rameau.

Depuis huit jours, Lyon possède une salle de concert, une salle spacieuse, sonore et commode, une salle où la musique est chez elle… Paris sera bientôt la seule ville en France qui n’ait point de salle de concert [….] Witkowski a réussi, par son initiative, à doter Lyon d’une salle de concerts [...].
Pierre Lalo, Le Temps

Lyon a une salle de concerts. Paris n’en a pas. Telle est la mélancolique constatation de M. Pierre Lalo, l’éminent critique du Temps. Elle est de nature à satisfaire pleinement l’amour-propre lyonnais.
Louis Buyat, Assemblée nationale, 1909.

L’heureux M. Witkowski compositeur et chef d’orchestre des Grands Concerts de Lyon a su acquérir d’emblée son immeuble. Il est chez lui dans une salle faite pour lui, qui porte le nom du plus grand des musiciens français : Rameau.
Louis Buyat, Assemblée nationale, 1909.

Son désir de transmettre la musique au plus grand nombre s’est également manifesté dans la création du chœur Schola Cantorum de Lyon en 1903 à l’instigation de Vincent d’Indy et la direction du Conservatoire de Lyon à partir de 1924.

Georges Martin Witkowski est mort à Lyon en 1943, laissant son fils Jean lui succéder à la tête de la Schola Cantorum et de la Société des grands concerts.

 

Plaque commémorative apposée au Palais de Bondy, cliché Tabey, mai 2010 - 80PH/26/198
Plaque commémorative apposée au Palais de Bondy, cliché Tabey, mai 2010 - 80PH/26/198
  • Yves Ferraton, Cinquante ans de vie musicale à Lyon, les Witkowski et l'Orchestre philharmonique de Lyon, 1903-1953, Trévoux, Éditions de Trévoux, 1984, 380 p.
  • Isabelle Bretaudeau, Le mouvement scholiste de Paris à Lyon, un exemple de décentralisation musicale avec Georges Martin Witkowski, Lyon, Éditions Symétrie, 2005.
  • Jean-François Duchamp, "Georges Martin-Witkowski", in Dominique Saint-Pierre (dir.), Dictionnaire historique des académiciens de Lyon 1700-2016, Lyon, Éditions de l'Académie, 2017, p. 850-852 (1C/503908).
  • Le mouvement scholiste de Paris à Lyon. Un exemple de décentralisation musicale avec Georges Martin Witwoski, actes du colloque éponyme tenu au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon à l'initiative de la Schola Witkowski les 14 et 15 novembre 2003.
  • Archives municipales de Lyon, Pour la passion d'une ville : 2001-2010, les archives rendent hommage à leurs donateurs, Lyon, Archives municipales de Lyon, 2010 (cote AML 1C/8776/SAL).
  • Georges Martin Witkowski, 1867-1943, discours, articles biographiques, bibliographie des oeuvres de G. Martin Witkowski, Lyon, Imprimerie Audin, 1944 (cote AML 1C/3785).
  • www.schola-witkowski.fr
  • www.gmwitkowski.fr
  • L’orchestre hier et aujourd’hui | Auditorium - Orchestre National de Lyon (auditorium-lyon.com)

Archives privées

  • Fonds Georges Martin-Witkowski (1ère moitié du XXe siècle, 214II/1-13).
  • Lettre manuscrite autographe signée G. Martin Witkowski, directeur du Conservatoire et des Grands concerts de Lyon, sur papier à en-tête des Grands concerts de Lyon, adressée à Gabriel Laramas, premier violon dans cet orchestre, à l'occasion du décès de sa mère (31 décembre 1913, 1II/432/1).
  • Fonds de l'Association philharmonique de Lyon (20II, inventaire non consultable en ligne) : actes constitutifs (1938), administration (1910-1956), salle Rameau (1905-1950), organisation de concerts (1908-1957), gestion du personnel (1907-1958), gestion financière (1905-1955).
  • Fonds de l'Association Schola Witkowski (1971-2008, 203II, inventaire non consultable en ligne). Partitions d'oeuvres du compositeur et chef d'orchestre Georges Martin-Witkowski. Administration, assemblée générale ; correspondance, notes internes, comptabilité. Programmation des spectacles ou d'évènements en rapport. Partenaires ou sponsors. Communication : programmes, affiches. Enregistrement des spectacles. 
  • Fonds Edmond Locard : contient de la correspondance relative à Georges-Martin Witkowski (308II/4, 308II/22).

Archives publiques

  • Dossier de carrière de Witkowski Georges Martin, compositeur de musique, directeur du conservatoire de musique (en fonction du 01.05.1924 au 30.09.1941, 524W/970/WITKOWSKI/JEAN).

Bibliothèque

  • Dossier de coupures de presse (3C/414, Witkowski).
  • Jean Moussa, "Georges-Martin et Jean Witkowski", musiciens lyonnais, in Rive gauche, revue de la Société d’étude d’histoire de Lyon, rive gauche du Rhône, n° 63, 1977, p. 5-10 (consultable en salle de lecture, casier 198).
  • Jean Moussa, "Georges-Martin et Jean Witkowski", musiciens lyonnais (suite), in Rive gauche, revue de la Société d’étude d’histoire de Lyon, rive gauche du Rhône, n° 64, 1978, p. 7-12 (consultable en salle de lecture, casier 198).
  • Ferraton (Yves), Les Witkowski et l'orchestre philharmonique de Lyon, Contribution à l'étude de la vie musicale lyonnaise, 1903-1953, thèse de doctorat de musicologie, 1982.

Quelques évènements à venir

Georges Martin Witkowski - Aux origines de l’Orchestre National de Lyon
Extrait de l'affiche de l'exposition montrant une photo de Georges Martin Witkowski
Georges Martin Witkowski - Aux origines de l’Orchestre National de Lyon
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