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Des lettres témoins de l'histoire de Lyon

Affiche de l'exposition "En toutes lettres"

Les lettres s’inscrivent au cœur de la vie politique et sociale lyonnaise, et en lien avec elle. D’abord parce que la famille Morand est l’une de celles qui, à l’époque, contribue le plus activement au développement de la ville sur sa partie orientale. Ensuite, parce que nulle vie individuelle n’échappe à son temps.
La famille Morand est particulièrement inscrite dans l’histoire de la ville : Jean Antoine Morand, architecte de talent, a participé activement aux côtés de Soufflot à l’aménagement du grand théâtre et à la création du quartier Saint-Clair (actuellement rue Royale) ; il a construit un pont sur le Rhône et commencé, à l’aube de la Révolution, à lotir le « pré Morand » des Brotteaux. C’est ce pont qui va permettre l’extension de la ville sur son flanc oriental. Antoine Morand de Jouffrey, son fils, consacrera une partie de sa vie à obtenir les financements pour le faire réparer après sa destruction ; puis à redonner vie aux Brotteaux, incendiés et saccagés par les troupes jacobines, en replantant les allées d’arbres, en reconstruisant les « petites boutiques », en permettant enfin que la population lyonnaise retrouve en ce lieu les divertissements qu’elle venait y chercher avant la Révolution.

Toute vie intime est toujours étroitement mêlée, qu’elle le veuille ou non, aux événements d’une ville, d’un pays : la Révolution à Paris, le siège de la ville à l’été 1793, la répression si féroce de l’hiver qui suivit. Chez les Morand, le tribut payé à la Révolution est particulièrement élevé : Jean Antoine, qui détruit son pont pour freiner l’arrivée des troupes républicaines, sera emprisonné puis guillotiné. Antoine, pour échapper au sort de son père, prendra le chemin de l’exil ; et ce n’est pas tout, puisque les retombées de l’exécution du père se feront sentir longtemps, entraînant notamment un conflit entre la mère et le fils.

...tous les Lionnais (sic) que je trouve ici
ne cessent en voyant les différents jardins qui abondent à Paris de s’étonner qu’il n’y en ait pas dans ce genre aux Brotteaux
et je tiens bien à l’extension de mon projet...
Paris, le 2 juin 1801,
Lettre d’Antoine à Magdeleine.


Les Brotteaux
Le mot « Broteau » désigne, selon le patois local, une île de la plaine du Rhône. A l’époque d’Antoine, on commence à écrire Brotteaux au pluriel, et avec deux t. Il s’agit d’une bande de terre d’un kilomètre de large, qui longe la rive gauche du Rhône. Cette bande appartient en grande partie à l’Hôtel-Dieu.
Sur cette bande, Jean Antoine et Antoinette Morand ont acheté en 1765 une parcelle qu’ils nomment « pré Morand ». Leur projet immobilier de lotissement se complète pour y attirer les Lyonnais d’un parc de loisirs comprenant un « grand Caffé », une « grande bascule », des « charriots tournants », une « chambre noire », un « Tir pour le pistolet », un « amphithéâtre pour serpent sauteur » et enfin, une « Nouvelle montagne » en face de la montagne russe existante. En raison notamment de l’opposition de l’Hôtel-Dieu, son projet n’aboutit pas.

Au moment du siège les Brotteaux sont saccagés. C’est là qu’ont lieu de nombreuses exécutions, au moment de la répression. Aux yeux des Lyonnais, ils deviennent un « champ d’horreur et de tristesse ». Il faudra quelques années avant qu’ils ne soient ouverts de nouveau aux loisirs. Ce sera en partie l’œuvre d’Antoine et Magdeleine Morand.
 

Projet d’un plan général de la Ville de Lyon et de son agrandissement, en forme circulaire, dans les terrains des Brotteaux, par Jean-Antoine Morand, 1764 - 3 S 00115 A
Projet d’un plan général de la Ville de Lyon et de son agrandissement, en forme circulaire, dans les terrains des Brotteaux, par Jean-Antoine Morand, 1764 - 3 S 00115 A
Vue perspective du quartier Saint-Clair et du pont en bois sur le Rhône, par Morand, architecte, date inconnue - 16 FI 301
Vue perspective du quartier Saint-Clair et du pont en bois sur le Rhône, par Morand, architecte, date inconnue - 16 FI 301