Les permissions
Si les permissions sont aussi essentielles au moral des soldats qu’à celui de leur famille, elles génèrent également des tensions à l’arrière.
Au début d’une guerre qu’on imagine courte, les permissions ne sont pas accordées aux soldats combattants, afin de garder toutes les forces vives disponibles. La guerre de position s’installant, l’absence de permission et l’éloignement sans fin des familles devient intolérable. En juin 1915, le général Joffre accorde aux soldats 8 jours de permission par an, à tour de rôle. Mais les défaillances du système (les permissions ne concernent alors que 3 à 4 % des unités), engendrent un vif sentiment d’injustice.
La réforme d'octobre 1916 accorde alors trois permissions par an de sept jours chacune. Si ce système fonctionne bien jusqu'en février 1917, pendant l'offensive du Chemin des Dames, les taux chutent à 2%, avec parfois une suppression totale des permissions. Cette situation joue un rôle important dans les mutineries de 1917, à la suite desquelles le général Pétain prend plusieurs mesures en faveur des permissions. Il impose notamment à ses chefs d'appliquer le règlement des permissions d'octobre 1916 (jusqu’à la moitié des unités) et impose la publicité des départs en permission. Il fait également publier un guide du permissionnaire, obligatoire pour chaque soldat, expliquant les devoirs des soldats en permission.
Les permissionnaires voyagent dans des conditions très difficiles : les soldats voyagent debout du fait de trains bondés, par ailleurs mal éclairés, mal chauffés, sans toilettes ni suffisamment d’eau potable. Ces trains sont lents et peuvent mettre jusqu’à 6 h pour parcourir 100 km.
Une fois arrivés à destination, quand les célibataires essaient de trouver l’âme sœur, ou régularisent leurs situations amoureuses par un mariage (autant pour respecter les convenances que pour permettre à la veuve potentielle de toucher une pension en cas de mort de son compagnon), les hommes mariés retrouvent épouses et enfants, qui ont parfois du mal à reconnaitre un père si longtemps absent. Le temps de la permission permet une brève illusion d’un retour à la normale, malgré le fossé creusé entre la vie du front et celle de l’arrière. Cela ne doit pas occulter les tensions engendrées par l’afflux d’hommes venus du front : alcoolisme, recours massif à la prostitution, accès de violence... Des œuvres de bienfaisance se créent pour occuper les soldats permissionnaires ou blessés et éviter ces dérives. Les autorités militaires quant à elles se préoccupent des dangers que représentent les soldats en permission, de par les informations sensibles sur le front qu’ils pourraient laisser filtrer.
Des témoignages à découvrir
Dimanche 8 septembre 1918
Arrivé à Lyon à 4 h du matin à Lyon Perrache. Je vais chez Jeannette.
Le soir avec Maman je lui demande si je peux me marier, mais alors c’est une terrible discussion.
A 15 h avec Jeannette nous allons chez Mme Monrat puis chez Madame Grail, chez Mme Monrat.
Aujourd’hui c’est fou le bonheur.
Lyon
Une baignoire ! Félicité ! Dormir ! enfin dormir sans casque, sans vareuse, sans godillots ; dormir sans rats, sans bruits, avec seulement une chemise sur la peau, sur une peau qu’on ne gratte plus…
Nous avons été à Lauzanne voir ce vieux Pierrot en détente lui aussi et cela m’a semblé bizarre et comme recouvert d’inquiétude. N’est-ce pas étrange de s’être retrouvé tous les trois dans une salle à manger familiale si loin de tout ce qui a su créer notre amitié. De bonnes heures ayant formé des jours bien courts.
Une permission c’est une masse de contraste que la destinée avant la république jette en désordre au visage du poilu. Depuis le déboulé de la gare, alors qu’il a encore au flanc, le casque bleu ou kaki jusqu’au départ ou il laissera à la maison la Vie que là-haut on remplace par la Mort.
Voilà ce que c’est une permission : c’est un régal pour les cinq sens. C’est fouler d’une semelle mince et sans clous un asphalte balayé, lavé, courant devant des pierres en ordre étagées jusqu’à former des maisons, des cheminées des clochers qui carillonnent, voir loin devant soi et… pouvoir aller en face, n’être pas toujours à la campagne, apprécier d’autres formes que celles du sexe fort, vêtues d’autres couleurs que le bleu horizon, entendre des bruits… sans danger, circuler à gauche, à droite, comme l’on veut, c’est encore savoir les eaux bien endiguées qui n’atteindront jamais la salle à manger, s’assoir sur une chaise, manger dans de la vaisselle blanche et propre, avoir une assiette, un couteau qui ne se plie pas, voir sur une table du vin colorant des verres sous des tableaux familiers, c’est manger chaud ce qui doit être manger chaud, froid ce qui doit être froid, s’attendrir devant un jus qui soit du café, ne pas manger trois jours de suite des lentilles, d’être entouré d’être chéris, toujours vus, choisis à d’autres titres que celui de l’amitié née d’un malheur commun, être à l’abri du plus gros soleil de la plus petite pluie entre des murs tapissés et debout, se laver d’une eau limpide, à volonté après avoir dormi dix heures, dans un lit, déshabillé, sans poux. C’est avoir une glace pour se raser solidement pendue, entière et raser une barbe poussée de la veille !
Le jour c’est regarder vivre la vie en face sans alerte possible ni probable, voir des spectacles artistiques autres que les feux d’artifices quotidiens du front, entendre une musique aux sons harmonieux, être fêté, choyé, gâté, dire : la guerre? Peuh ! ce n’est rien ! Des dangers ? Oui… oh ! Pas grand-chose ! On les aura !
Quelques documents
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Avis aux permissionnaires, blessés en convalescence et militaires de tout ordre, relatif au secret militaire - 2FI/1678 -
Oeuvre "Distraire les blessés", repos du blessé au Parc de la Tête d'Or Cette oeuvre, où les Poilus peuvent trouver des livres, de quoi écrire et assister à un concert hebdomadaire, est ouverte aux blessés mais également aux permissionnaires - 4fi11382 -
Appel aux femmes françaises sur la conduite à tenir lors du retour des hommes en permission. Marguerite de Witt-Schlumberger, présidente de l'Union française pour le suffrage des femmes, 1915 - 5FIP/19
Quelques évènements à venir
